Phoenix Sanders

Histoire

Les Sanders sont une famille nombreuse. On les connait bien, à Mesaledo, à force de les avoir vu courir dans les rues quand ils étaient plus jeunes. Quatre filles, trois garçons. Un mensonge, en quelque sorte, dont seul Phoenix a le secret.

Phoenix est une petite fille comme les autres. Du moins, c'est ainsi qu'il se voit. Son rôle dans la société ne lui déplait pas, il aime jouer à la poupée et aux My Little Ponyta avec ses sœurs, apprend tôt la cuisine avec sa mère, se passionne pour la pâtisserie et sa chambre est décorée de rose et de peluches de Pokémon mignons. Avec se belle chevelure blonde, ses yeux bleus brillants et le soin qu'il prend de son apparence, on aurait cru qu'il serait populaire à l'école, mais les choses ne sont jamais aussi simples.

Déjà en maternelle, Phoenix dérange. Il dérange ses camarades, il dérange l'institutrice, parce qu'il ne parle pas assez, ou alors il parle trop, sans entre deux. Les petits disent qu'il est "toc toc", les plus grands disent qu'il est chelou et en secret dans la salle des profs, on le traite de cas désespéré. Il n'y peut rien, pourtant. Il révise dur ses premières leçons, fait sa première nuit blanche à seulement six ans à essayer en vain de retenir l'ordre de l'alphabet - comme si celui-ci était vraiment important.
Rien n'y fait. Les lettres se mélangent, ses yeux fatiguent et s'il ne choisit pas de se reposer, il sent monter des larmes de rage. Ses parents ont beau vouloir l'aider, le défendre contre les professeurs qui y voient un cancre, ils ne savent pas quoi faire. Peut-être qu'il n'est pas fait pour l'école. Peut-être qu'il est anormal ? Peut-être qu'il est gravement handicapé ?

Phoenix déprime. Phoenix est seul à la récré et essaie d'ignorer les moqueries des autres. Il n'ose pas se défendre, quand bien même ses frères et sœur essaient de l'encourager à calmer ses harceleurs d'un bon coup de poing. La violence, ça n'a jamais été son truc. Et malheureusement, ils ne sont pas toujours là pour lui porter secours.
Phoenix ne cherche pas à se défendre, mais ça ne l'empêche pas de vouloir défendre les autres. Il essaie de se faire des amis avec les autres enfants rejetés, mais trainer avec lui, c'est du suicide social. Il essuie rejet contre rejet.

Duo est le premier être à ne pas l'avoir rejeté.

Duo est un peu comme lui, il est différent. Du moins, trop différent du gang de Tapatoès auquel il a voulu se joindre. Criblé de coups de bec et presque entièrement déplumé, Phoenix a peut-être fait fuir ses tortionnaires, mais il était sûr et certain que le petit oiseau ne passerait pas la nuit. Une nuit qu'il a passé à pleurer, persuadé d'être arrivé trop tard, bon à rien qu'il est... jusqu'à ce qu'une petite voix ne répète le sons de ses pleurs.

Le Pijako est vite devenu un membre intégral de la famille. Un ami, une présence rassurante, un confident. Sait-il à quel point il a sauvé la vie de son humain ? C'est à force d'assister à ses révisions qui paraissaient toujours aussi vaines qu'il s'est mis à répéter, et même à corriger ce que Phoenix tentait de lire à voix haute. En voyant la joie sur son visage, Duo a évidemment mis les bouchées doubles. Un assistant rêvé pour les études, pour un enfant incapable de retenir ce qu'il voit, mais à la mémoire auditive presque surnaturelle.

Comme par miracle, à l'aube de l'adolescence, ses notes montent exponentiellement. Avec le collège, le voilà séparé de ses anciens tortionnaires, une nouvelle vie commence, pleine de positivité et de joie.
... enfin, il y a cru.

Mais quelque chose dans cette poussée de croissance le dérange. Sa peau le démange, voir son corps changer est déplaisant, mais on lui dit que c'est la nature, qu'elle est belle, qu'il ne sert à rien de vouloir aller contre elle. Et puis que c'est normal d'être mal dans sa peau à son âge, tout le monde le lui répète. Ses parents, ses aînés, toussent lui disent que "ça ira mieux quand tu seras grande".

Ça ne va pas mieux, Phoenix le savait dès le début mais ça ne l'a pas empêché d'y croire, naïf comme il est. Tout ce qu'il trouve pour se distraire du mal qui le ronge, ce sont les études, dans lesquelles il se plonge désespérément. Ça fait passer le temps, ça le fatigue assez pour qu'il n'ait pas le temps de penser à son corps difforme. On a beau lui dire qu'elle est belle, ça ne lui plait pas. Ça le met en colère, même, une colère qu'il n'explique pas et par conséquent n'ose pas exprimer. Il intériorise, comme il l'a toujours fait.

Il intériorise encore plus lorsqu'une tragédie frappe la famille. La mort d'Esperanza, la meilleure amie de Joyce, que Phoenix pensait même être plus qu'une amie pour sa grande sœur.
Son malheur est bien plus fort que sa crise d'ado, songe Phoenix, qui se jette corps et âme dans l'idée d'aider Joyce à surmonter son deuil. Ils jouent ensemble, se replongeant dans leur enfance, et ça la fait parfois sourire. Il la bourre de petits gâteaux dont leur mère a le secret et ça lui fait oublier sa détresse le temps de la digestion. Ils parlent pendant de longues heures, font parfois des nuits blanches pour que la jeune fille arrive à expier son mal.
Mais qu'importent les sourires et les rires éphémères, qu'importent tous les câlins et mot d'assurance que Phoenix lui murmure à l'oreille. Rien n'y fait, rien ne bouge.

Quand Joyce annonce son départ, c'est la catastrophe. Une idée de maman, qui n'a peut-être pas tort de suggérer à sa fille de voir de nouveaux horizons pour retrouver la joie de vivre, mais Phoenix conteste. Joyce est trop mal pour partir de Paldea. Joyce a besoin de lui (et surtout, il a besoin de Joyce, mais n'ose pas l'admettre). Rien n'y fait. Se faire traiter d'égoïste lui claque le bec et il laisse partir sa sœur - celle qu'il voit comme sa meilleure amie tant ils se sont rapproché depuis le décès d'Esperanza - avec la tête basse et quelques larmes aux yeux. Des larmes qui refusent cependant de couler quand une petite voix lui murmure que les grands garçons ne pleurent pas.

Le départ de Joyce est douloureux. Son malêtre lui revient à la gueule comme une balle de jokari. Parfois, il en souffre tant qu'il se sent mourir. Pourtant, du haut de ses dix-sept ans, il devrait savoir que tout se passe dans sa tête, non ? Une idée germe tout de même dans son cœur. Une idée saugrenue, qui lui revient chaque fois que Duo lui répète le "niño bonito" qu'il aime tant lui dire en lui grattant le menton.
C'est possible ? De vouloir devenir un homme quand on est femme ? Est-ce que c'est normal ? Est-ce que c'est dangereux ? Il n'ose en parler à personne, à part quelques inconnus sur internet, caché par un anonymat.

Le départ de Joyce est douloureux. Mais comme un pansement qu'on arrache, il a eu besoin de cette douleur pour se débarrasser de ce qui l'empêchait de confronter et comprendre sa souffrance. La tempête dans sa tête s'est calmée depuis qu'il a compris. "Je suis un garçon, un vrai...". Pas un mot à sa famille. Pas un mot à ses amis. Quelque chose bloque. Il veut le dire à quelqu'un en particulier. Quelqu'un qui pourtant est partie il y a si longtemps...

Il sait que Joyce est partie sur l'archipel de Shiku, mais ce sont bien les dernières nouvelles que la famille a reçu. L'université de Shizun l'accepte sans souci à la vue de son dossier immaculé et l'académie de Mesaledo est fière de voir un de ses meilleurs élèves partir à l'étranger. Officiellement, il veut juste terminer ses études, voir du monde et renouer avec sa soeur, mais secrètement, Phoenix compte bien profiter de l'occasion pour mourir.

Non, c'est Carmen qui meurt à Paldea.
À Shiku, personne ne connait cette étrangère, ils rencontre Phoenix qui a bien des airs un peu féminins, mais jure avec une sincérité éclatante qu'il n'a rien à cacher sous ses sous-vêtements. Il se fait de nouveaux amis qui ne l'ont jamais connu que sous ses airs masculins et l'air semble plus frais à respirer qu'à Paldea.

Il est toujours douloureux de signer ses cartes postales et ses dossiers administratifs du nom d'une inconnue ou de l'entendre au téléphone depuis l'autre bout du monde. Mais il peut encaisser un peu la douleur. Une petite voix lui dit que ce n'est pas sain, mais il a besoin de la validation de Joyce pour oser tout avouer à sa famille. Un réel bloquage qu'il ne peut expliquer que part une dépendance qu'il a développé malgré lui.
Mais Joyce n'est pas loin, ils sont sur le même archipel, il finira bien par réussir à la contacter, et tout se passera bien dans le meilleur des mondes. Pas vrai ?

Vos pokémon

Duo - Pijako - Niv. 15
Babil - Mégaphone
Berceuse - Atterrissage

Difficile pour Phoenix d'imaginer sa vie sans Duo. Le Pijako le soutient dans tout ce qu'il entreprend. Études, interactions sociales et motivation quand elle vient à manquer. Et pourtant, Duo lui-même est un bon gros bizu. Comme quoi...

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